À propos
Crédit photo: Eric Sneed
Pour une DRAMATURGIE SONORE en art vivant
Notre recherche-création sur la dramaturgie sonore débute officiellement en 2010 à l’UQAC, avec l’obtention d’une Chaire junior de recherche du Canada qui, renouvelée en 2015, se prolongera jusqu’en 2021. Durant ce long mandat, nous traversons différentes phases d’exploration pour lesquelles nous réalisons plusieurs créations, nous organisons des événements publics et publions divers articles et ouvrages.
D’une manière générale, notre démarche, fondée sur un mode interdisciplinaire, intermédial et interculturel, nous entraîne du Canada à l’Amérique du sud, en passant par l’Europe vers des collaborations auprès de chercheur·euses universitaires comme auprès d’artistes et de structures culturelles. Ce réseau actif nous permet de développer des extensions pratiques et théoriques à la question du son au théâtre, pour lesquelles nous obtiendrons des fonds supplémentaires auprès d’organismes tels que le FRQSC, le CRSH, le CAC, le CELAT ou encore le Consulat de France.
Quelles dramaturgies sonores pour le théâtre voulons-nous expérimenter? La notion de dramaturgie sonore représentant effectivement un champ de possibles, c’est à travers deux périodes principales que nous déterminons les axes qui nous intéressent.
Dans un premier temps, nous cherchons à défaire la place du son dans l’organisation dramaturgique au théâtre. Souvent considéré comme un adjuvant pour éclairer le drame et soumis à la construction d’images, à la manière d’un paysage, où toutes les composantes doivent servir à la perception optique, nous commençons par émanciper le geste sonore et sa nécessité aurale. Cet écart volontaire entre la création sonore et l’action dramatique nous ouvre à des pratiques performatives avec le corps (voix comprise), la manipulation d’objets, l’écriture du texte, le traitement de l’espace ou avec le public. Peu à peu, la dramaturgie sonore qui en émerge met en relation la scène avec l’art sonore, où l’agentivité du son de par sa nature plurielle (acoustique, électronique, environnemental, etc.) offre une possibilité d’expériences matérielles et de conceptions de formes hybrides, reliant de manière instable théâtre performatif, musique, poésie, radio, vidéo… Ce rapprochement avec l’art sonore nous incitera ainsi à approfondir les notions de mobilité et de dispositif.
Lors de la deuxième période, notre approche dramaturgique du son pour la scène se caractérise par une émancipation non seulement dramatique, esthétique et méthodologique mais aussi contextuelle. Pour “vivre le son”, nous nous délocalisons de la salle fermée du théâtre vers des environnements inusités pour notre équipe, en termes géographiques et culturels. Ces déplacements sont l’occasion de valoriser la phonographie, pratique de captation et de création où la qualité de l’acte d’écoute prévaut sur celle de la matière sonore. Nos explorations phonographiques tiennent ainsi compte de notre désir de faillibilité, d’inachèvement, de doute critique et d’imprévisibilité. De plus, elles nous permettent de travailler l’écoute du son au-delà du son lui-même en nous intéressant davantage à la vidéo, à la danse ou encore à la réalité virtuelle et à l’image 3D. La phonographie consolide notre besoin d’une scène sans bord, autant dans nos relations au spectateur·trice devenu·e complice dès les premiers pas de la recherche que dans l’agencement d’une diversité d’espaces de jeu (scène physique, scène web, scène 3D).
En 2021, nous entamons une troisième période où la dramaturgie sonore d’une scène sans bord et nos expériences immersives favorisent une recherche création pluridirectionnelle, propice à un dialogue entre les arts vivants, la science et l’écologie.
Jean-Paul Quéinnec
Professeur de théâtre et directeur du Département des arts et lettres à l’UQAC et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en dramaturgie sonore au théâtre jusqu’en 2020, sa recherche-création interroge les processus et dispositifs d’écritures dramatiques et scéniques à partir d’une pratique plurielle et performative. Membre régulier du CELAT, il est également co-directeur de la revue Percées -Explorations en arts vivants (anciennement L’Annuaire théâtral). Il a organisé différents colloques internationaux, dont Les mobilités du processus de création (2018). Ses recherches-créations qui l’entrainent dans différents pays (en Amazonie en 2019) auprès de collaborateurs de secteurs différents, sont diffusées dans plusieurs événements internationaux, et dernièrement au Festival du Mois Multi à Québec avec Phonographie Maritime. Il publie dans plusieurs revues savantes et professionnelles au Canada, en France et en Colombie. Il a reçu en 2019 le prix Jean Cléo Godin attribué par l’Association canadienne de la recherche théâtrale (ACRT) pour le meilleur article savant de langue française en théâtre au Canada. Depuis 2016, il co-publie avec Andrée-Anne Giguère quatre Cahiers de Phonographie (éd. LaClignotante). Enfin, en 2019, il co-dirige avec Jean-Marc Larrue et G. Pisano, l’ouvrage Dispositif et scène sonore au PUM.